02 juil 2022

Et voilà, la création a eu lieu... Quelle journée incroyable... ! 

Merci l'équipe de l'Abbaye de Noirlac, merci Andy Emler, merci à tous les choristes qui ont été assez fous pour accepter ce projet ! 

Vidéo : Alex OVERTON 

 

25 Juin 2022,

Flying Together, partie 3, L’Envol.

Déjà sous le matin ensoleillé l’Abbaye capte de tous ses pores minéraux la moindre parcelle de lumière. Dans le jardin règne une certitude sereine, quelque chose d’ordinaire. Pourtant c’est aujourd’hui. Plus que quelques heures et nous aurons laissé filer le doute, à jamais ; sera venue l’heure où la rencontre épouse les souvenirs.

L’émotion qui nous avait étreints s’est elle éteinte tant le calme plaisir qu’il y a à se retrouver enfin est palpable ? Qu’importe. Le plateau de scène surplombant les chaises alignées en l’attente d’auditeurs nous appelle comme l’ouvrage en cours appelle l’être et la main. Ainsi il est des cueillettes, affaire de patience et de murissement. C’est cela. Lentement en nous quelque chose a muri.

Répétition générale. Encore ? Non, enfin et heureusement. Il faut s’assurer que l’ouvrage tient, que chaque nœud tissé a gardé force et souplesse, tension et légèreté.

Entre ses mains patientes, Marion détricote et renoue, un passage, un autre, le pont entre ici et là. L’intelligence de l’Œuvre. Nous nous laissons porter, confiants, lucides. Il n’y a qu’une exigence commune,  évidente et simple. D’elle à nous des regards où la complicité se mêle à la certitude d’être ensemble plus forts et nous-mêmes. Nous n’avons rien  à prouver de notre engagement. Plus qu’une attente commune, chaque bribe d’espace est emplie d’énergie.

Andy est là, bonhomme. Simple et lui même. Il semble comme nous savoir que l’inéluctable est proche, mais que rien de ce qu’il adviendra ne pourra éteindre ce qui s’est passé avant ce franchissement. Ultimes recommandations, entrée, sortie, poursuite du concert. Dans la machine superbement huilée du festival sourd comme une impatience. Aurions-nous hâte à ce point de mordre dans ce combat où tout se donne sans retour ?

Le pique-nique s’habille des promesses du ciel, les hautes herbes des massifs s’ébrouent sous les premières averses. Qu’est-ce qui nous fait si sereins ? Quelle volonté secrète nous laisse aussi flâneurs et contemplatifs ? Nous parlons et rions mieux qu’un jour ordinaire.

Puis vient l’heure. Quarante silhouettes surplombant l’espace, l’une d’entre elles plus radiante que jamais. Nous savions-nous si proches et si uniques dans l’instant ?

A peine quinze minutes. Rien. Le temps d’une attente. Ce minuscule espace où peuvent s’écrire espoirs comme détresses. A peine quinze minutes d’une tension vibrante, une houle traversant temps et espace sans rien redouter, placide et forte.

Construction de l’indicible.  Est-il possible d’être ainsi, le temps d’un étonnement ce flot puissant que tout épouse et qui semble tout épouser ? Est-il possible d’imprimer aux corps et aux mémoires un tel mouvement ?

D’autres paysages suivront dans les minutes du ressac où l’émotion se dilue, d’autres saisons. Andy offrant aux voutes claires tous les reflets de sa bibliothèque intérieure, où l’orgue va puiser des chatoiements infinis. Virevoltes, accords puissants et dissonances superposées nappant l’espace.

Puis la voix de Marion jouant avec la virtuosité des claviers.  Évidence d’une complicité lumineuse entre deux êtres que l’apparence fait si dissemblables.  Grâce et impétuosité liées dans la musique. La voix, puisant dans le grave des vibrations inattendues, plus que jamais altière, droite et gracile, arrache aux accords dessinés des lambeaux de lumières.

Est-il possible d’être ainsi, le temps d’un étonnement ce flot puissant que tout épouse et qui semble tout épouser ?

Oui. A jamais nous le savons.

- Henri Clavé -