10 mai 2023

Prendre le temps de retrouver le goût du large. Par groupes ou épars les sacs sont posés sur l’avant pont. Le bruissement des premiers mots retissant les conversations suspendues il  y a quelques semaines. Peut être hier, tout à l’heure ? Ressac  ininterrompu qui reprend, se prolonge et s’étend. Le plaisir du retour, quelques prénoms d’absents, se rassurer, nul n’est jamais loin. Nous avons la certitude du long cours qui sait se nourrir de tous les instants. Tout le monde est donc là. Tout le monde s’affaire. 

Rituel des premiers gestes, les corps se coulent dans l’écoute de la brise qui se lève et fait comme un appel.  Retrouver  ce que l’on sait, se redonner au regard de l’autre, s’abandonner au mouvement qui refait équipage. Lentement ressentir cette puissance qui vous porte et vous dépasse.

Sortir de la nuit, dépasser les fatigues, ouvrir la fenêtre à la chaleur du son retrouvé. Les premières notes, les voix se cherchent un bref instant. Est-ce l’illusion du plaisir où tout est il réellement plus souple, plus clair, plus vif à répondre aux attentes de Marion ? Imperceptiblement les voiles se gonflent, un élan infime qui rend possible tout horizon.

Soufflet ouvert à l’écoute l’accordéon de Jérôme berce le roulis de son pas bonhomme. Laissant la voie aux accords qui se cherchent, délicatement présent dans ce qui sera,  déjà tout à l’heure Encore une fois tout parait tranquille, sage, appliqué et serein.  Quelques rires, ne sommes nous pas fidèles à nous-mêmes, complices, moqués et moqueurs. Et le voyage suit sa ligne. 

Il y aura bien sûr les agapes, escale indispensable, marque de fabrique, aveu de  goût pour les plaisirs du partage. Puis l’attente, à peine, de se retrouver à bord dans la superbe église de Saint Martin, suspendue dans son histoire. Clignant de son œil oblique vers le printemps qui nous fait rivage. Quelques minutes  pour l’ultime quiétude avant l’abordage.  

L’ultime « répé ». Dernière chance pour se dire que tout va bien ? Étonnamment,  non, quelques minutes pour filer le concert, juste ça, plus souple, clair, vif. Quelques mots qui disent que tout ira bien, ultime coup de gouvernail où le navire prend son aire. Equipage et pilote font corps, les énergies se mêlent et se répondent, nourrissant le même sentiment de quiétude et de force. 

Tranquillement le public s’avance, tranquillement nous attendons. D’une attente sereine, loin des inquiétudes qui souvent  s’attachent à ce moment où tout semble basculer. Là point de vide, point de panique, tout est arrimé en bonne place, prêt  au moindre coup de vague traitresse. Ca y est, « La demeure d’un ciel » ouvre au plafond de bois de larges baies de lumière.  Le concert, et quel concert ! Pas besoin d’images. Nous le savons. Il y a eu des sourires, des regards tendus dans l’attente, libérés dans la fusion des accords. Et dans ce voyage où chaque  morceau a pris sa part de plaisir partagé, il y a eu le souffle inouï de Spain, énorme vague enroulée sur elle même où nous nous sommes glissés sous le geste de Marion. Et de cette barre qui nous semblait si haute nous sommes sortis, étonnés de nous-mêmes, délicieusement bercés par le flow majestueux de l’accordéon.  Quelle classe ! 

Pas besoin d’images, nous gardons tous en mémoire, pour les jours à venir et pour plus loin encore ce 7 mai 2023. Les regards et les mots échangés après concert avec le public nous en dirons la certitude. 

Merci Antoine, merci la musique, merci  Cheffe de nous faire pari de tous les possibles. Merci les ami(e)s de cette navigation ininterrompue. Bon vent et vivement le prochain port !

HCC